Transparence salariale : vers plus d’équité et de mixité dans la tech

Recrutement & RH

La question de la place des femmes dans la tech n’est pas nouvelle, mais elle reste, pour 2026, un défi majeur pour un secteur pourtant tourné vers l’avenir.

Écrit par
Sarah LORIER
26 Nov 2025

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Si la diversité et la mixité sont désormais inscrites dans tous les discours, la réalité reste plus nuancée : les femmes ne représentent encore qu’un quart des effectifs, et sont souvent absentes des postes les plus techniques ou les mieux rémunérés. Or, au-delà de l’enjeu d’égalité, cette sous-représentation constitue un véritable frein à l’innovation et à la performance collective. La directive européenne sur la transparence salariale qui arrive dès 2026, ouvre une nouvelle voie : celle d’une tech plus juste, plus équitable et plus inclusive. Mais encore faut-il que les entreprises s’en saisissent pleinement pour en faire un véritable levier de transformation.

La tech a-t-elle oublié les femmes ? Regardons dans le rétroviseur

L’histoire des sciences et des technologies montre que les femmes y ont toujours eu leur place, mais rarement dans les mêmes conditions que les hommes. Dès le XIXᵉ siècle, dans les milieux aisés, les sciences étaient perçues comme une discipline convenable pour les jeunes femmes, plus acceptable que la littérature jugée trop libre. C’est dans ce contexte que la comtesse Ada Lovelace, fille du poète Lord Byron, a rédigé le premier programme informatique publié pour la machine analytique de Charles Babbage, posant ainsi les bases de l’informatique moderne. Longtemps effacée de l’histoire, elle est aujourd’hui reconnue comme une figure fondatrice de la tech.

Quelques décennies plus tard, à Harvard, un groupe de femmes surnommées les « calculatrices de Harvard » fut employé pour effectuer à la main des calculs astronomiques complexes destinés à classifier les étoiles. Si les hommes titulaires signaient les découvertes, ce travail de précision reposait sur l’expertise de ces femmes (moins payées, moins légitimées), véritables pionnières de la data science.

Les deux guerres mondiales ont également représenté une période charnière. La mobilisation des hommes a conduit à l’ouverture temporaire de postes techniques aux femmes, notamment dans les télécommunications et le décodage. Joan Clarke, mathématicienne de haut niveau, collabora ainsi avec Alan Turing à Bletchley Park sur le décryptage de la machine Enigma. Leur contribution a permis d’accélérer la fin du conflit, mais seule la figure de Turing est entrée dans la mémoire collective, illustrant la difficulté persistante des femmes à être reconnues pour leur apport scientifique.

Dans les années 1950 à 1970, la programmation était considérée comme un travail d’exécution, et avait de forts besoins en recrutement. C’est ainsi qu’on embaucha massivement des femmes issues des formations en dactylographie. La tech comptait alors davantage de profils féminins qu’aujourd’hui, avec une majorité de femmes dans la branche software. Les hommes eux, étaient davantage présents dans la branche hardware. Mais à mesure que le secteur a gagné en prestige et en valeur économique, il s’est progressivement masculinisé dans toutes ses branches. En bref, comme dans de nombreux secteurs, plus les postes sont prestigieux et rémunérateurs, plus les femmes sont laissées de côté. Ce basculement a conduit à une marginalisation durable des femmes dans les métiers techniques.

Aujourd’hui, les femmes ne représentent que 24 % des effectifs de la tech en France.

Source : Wild Code School

Et derrière les discours sur la parité, les chiffres révèlent une répartition inégale : les femmes sont majoritairement présentes dans les fonctions support, communication ou produit, mais encore minoritaires dans les postes d’ingénierie ou de développement. Si la loi autorise les statistiques genrées, elle interdit toute donnée liée à l’origine ethnique, une limite qui masque d’autres angles morts de la diversité dans la tech.

Des inégalités qui persistent sur la rémunération

La directive européenne sur la transparence salariale part d’un constat sans appel : à travail égal, les femmes gagnent encore en moyenne 20 % de moins que les hommes dans l’Union européenne (source : site de l'Union européenne). En imposant davantage de transparence sur les rémunérations, les promotions et les critères d’évaluation, l’objectif est de réduire ces écarts structurels et de contraindre les entreprises à interroger leurs propres pratiques. Car trop souvent encore, la rémunération repose sur des capacités de négociation individuelle plutôt que sur des grilles salariales objectives, un modèle qui valorise les profils les plus assertifs, majoritairement masculins.

En France, les femmes cadres gagnent en moyenne 6,9 % de moins que les hommes à poste équivalent (source : APEC). Ces écarts se creusent encore au fil des carrières, notamment autour des périodes de maternité. En 2021, 93 % des mères éligibles ont pris un congé maternité, contre 71 % des pères éligibles pour le congé paternité, d’une durée moyenne de 22 jours sur 25 possibles (source : Drees). Malgré des progrès, la répartition des rôles parentaux demeure inégale, et le monde professionnel tend encore à en amplifier les effets.

Le concept de « motherhood penalty » en est une illustration : en France, les mères perdraient jusqu’à 30 % de leur revenu dans les cinq années suivant une naissance, tandis que les pères ne subissent pas de perte comparable (Toulouse School of Economics). L’année suivant une naissance, 47 % des mères réduisent ou interrompent leur activité, contre 6 % des pères (source : Insee).

Ces chiffres rappellent que les inégalités salariales ne sont pas qu’un reflet de la société : elles sont aussi le résultat de normes professionnelles que les entreprises ont le pouvoir, et la responsabilité, de transformer, en valorisant des modèles de carrière réellement inclusifs et équitables.

Pourquoi c’est problématique ?

Au-delà d’un enjeu d’équité, l’inclusion dans la tech est un véritable levier de performance. Des équipes diversifiées apportent des expériences, des points de vue et des approches variés, ce qui favorise la créativité, enrichit la résolution de problèmes et conduit à des produits plus pertinents pour un public large. À l’inverse, des équipes homogènes reproduisent leurs propres biais (souvent à leur insu) et génèrent des innovations incomplètes, voire dangereusement excluantes.

Les exemples ne manquent pas.

Dans les années 1990, les premiers GPS à commande vocale se sont révélés incapables de reconnaître les voix féminines. Les programmes avaient été exclusivement testés avec des voix masculines, plus graves en moyenne, rendant le dispositif difficile à utiliser pour de nombreuses femmes. Résultat : le produit a rencontré un succès limité auprès des consommatrices (source : Les oubliées du numérique - Isabelle Collet)

En 2015, Google Photos a dû présenter ses excuses après que son système de reconnaissance d’images ait étiqueté des personnes noires comme « gorillas ». L’entreprise a choisi de désactiver purement et simplement certaines étiquettes, comme « gorilla », « chimp » ou « monkey », plutôt que de revoir la diversité de ses données d’entraînement (source : Global News). Cet incident illustre de façon frappante comment un manque de diversité dans les jeux de données peut déboucher sur des résultats qui aboutissent sur des dérives discriminatoires heurtant autant la société que la loi.

Un an plus tard, Microsoft lançait Tay, un chatbot censé apprendre des interactions sur Twitter. En moins de vingt-quatre heures, l’expérience a tourné court : Tay s’est mis à produire des messages racistes, misogynes et antisémites, avant d’être immédiatement déconnecté (source : Wikipedia). Cette débâcle a rappelé qu’un apprentissage automatique dépourvu de garde-fous éthiques ou de diversité dans les équipes de conception est une faille majeure.

Ces biais technologiques ne sont pas anecdotiques : ils traduisent une conception du monde incomplète, issue d’équipes où la diversité est absente.

En tant qu’ESN, ne pas intégrer cette pluralité de profils revient à se priver d’une énorme base de talents, d’idées et d’opportunités d’innovation. Une tech inclusive n’est donc pas seulement plus juste : elle est, très concrètement, plus performante, plus fiable et plus durable.

Comment la directive européenne sur la transparence salariale peut transformer votre ESN ?

La directive européenne sur la transparence salariale ne suffira pas, à elle seule, à ramener les femmes vers les métiers de la tech. En revanche, elle peut contribuer de manière décisive à les y faire rester. Trop souvent, les femmes quittent le secteur non par manque d’intérêt ou de compétences, mais à cause d’un sentiment persistant d’injustice ou d’inégalité dans la reconnaissance et la rémunération. En imposant davantage de clarté sur les salaires et les critères d’évolution, la directive introduit une exigence nouvelle : celle d’une évolution basée sur des faits… et non plus sur la capacité de chacun à se mettre en avant.

La directive pousse dans ce sens en incitant les organisations à définir des grilles salariales précises et transparentes, basées sur des critères objectifs : compétences, expérience, niveau de responsabilité ou performance mesurable. Cette approche permet de réduire l’impact des biais inconscients, souvent responsables d’écarts salariaux injustifiés entre hommes et femmes à poste équivalent.

Ce n’est pas aux femmes d’apprendre à mieux négocier leur salaire (un discours encore trop répandu) mais bien aux entreprises de repenser leur politique de rémunération.

Au-delà de la rémunération, la transparence contribue à renforcer le sentiment d’équité interne, un facteur clé de fidélisation. Dans un secteur comme la tech, où la pénurie de talents est chronique, cette démarche devient stratégique. Une culture inclusive attire davantage de profils variés, mais elle permet surtout de les retenir. Comme le montre un rapport du gouvernement britannique, se sentir “hors du groupe” constitue l’un des freins majeurs à la progression de carrière dans les entreprises technologiques (source : étude DSIT). À l’inverse, la transparence et la reconnaissance équitable créent un environnement dans lequel chacun peut se projeter durablement.

En rendant visibles les écarts et en obligeant les organisations à les justifier, la directive européenne introduit un puissant levier de transformation culturelle. Elle engage les entreprises à passer d’une logique individuelle de négociation à une logique collective d’équité. C’est à cette condition que la tech pourra non seulement attirer, mais surtout conserver les talents féminins dont elle a besoin pour innover et se renouveler.

D’autres actions pour rendre votre entreprise plus inclusive

Si la directive européenne sur la transparence salariale fixe un cadre, certaines entreprises n’attendent pas la contrainte légale pour agir concrètement. C’est le cas de Shodo, une ESN française qui s’est engagée de manière proactive en faveur de l’égalité de genre. Consciente que la diversité ne se décrète pas, l’entreprise a choisi de commencer par écouter celles qui en font partie. Elle a ainsi créé un groupe de réflexion interne 100 % féminin, destiné à identifier les obstacles vécus au quotidien et à proposer des solutions concrètes pour y remédier (source : Shodo).

De cette démarche participative sont nées plusieurs mesures fortes, traduisant une volonté réelle de transformer la culture d’entreprise. Parmi elles :

  • La mise en place d’un congé menstruel, permettant aux collaboratrices concernées de bénéficier d’un jour d’arrêt supplémentaire sans justification médicale, une initiative encore rare dans le secteur de la tech.
  • Un congé paternité obligatoire à prendre dans son intégralité, afin d’encourager une répartition plus équitable des responsabilités parentales et de réduire l’impact de la maternité sur la carrière des femmes.
  • Maintien du salaire dès la première année de maternité, garantissant ainsi aux collaboratrices une continuité financière et une reconnaissance de leur engagement professionnel, même durant cette période.
Ces actions montrent que l’inclusion ne relève pas du symbole, mais de politiques concrètes qui touchent à la rémunération, à la parentalité et au bien-être au travail.

Elles démontrent aussi qu’une entreprise peut devenir plus inclusive non pas en multipliant les déclarations d’intention, mais en construisant des dispositifs tangibles qui tiennent compte de la réalité des femmes dans la tech. Shodo prouve qu’un changement structurel est possible lorsque la parole des premières concernées devient le point de départ de l’action.

En bref

La transparence salariale ne réglera pas, à elle seule, les inégalités dans la tech — mais elle en attaque l’un des fondements : l’opacité. En rendant visibles les écarts de rémunération et en imposant aux entreprises de les justifier, elle redonne confiance, crédibilité et légitimité à celles qui construisent l’innovation au quotidien. Surtout, elle rappelle que l’égalité n’est pas qu’une question de conformité réglementaire, mais bien de performance collective.

Les initiatives comme celles de Shodo, qui traduisent les principes d’équité en mesures concrètes, prouvent que le changement est possible lorsque la parole des femmes est écoutée et transformée en action. Une entreprise inclusive n’est pas seulement plus juste : elle est plus forte, plus créative et mieux armée pour répondre aux défis d’un secteur en mutation permanente. Si la tech veut réellement se réinventer, elle devra le faire avec toutes et tous — en commençant par rendre visibles, reconnues et justement rémunérées celles qui en sont encore trop souvent les oubliées.

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