ESN : Maîtriser les enjeux du matching candidat grâce à l’IA
Avis d’expert de Tanguy Lambert, co-fondateur de BoondManager
Dans le secteur des ESN, où la course aux talents qualifiés est plus compétitive que jamais, l’intelligence artificielle (IA) s’impose comme un levier stratégique pour aider les recruteurs à identifier plus vite les meilleurs profils. En combinant des techniques avancées de vectorisation et de scoring, le machine learning va au-delà de simples recherches par mots-clés : il comprend le contexte et la signification des données (diplômes, expériences, zones géographiques…) pour des résultats plus pertinents. Mais si cette technologie promet des gains de temps et de rentabilité considérables, elle soulève aussi des questions éthiques et techniques qu’il est essentiel d’explorer. Décryptage des bénéfices du matching par l’IA et des garde-fous à adopter.

Les recruteurs des ESN sont confrontés à un double défi : d’un côté, gérer des bases de candidats toujours plus vastes, de l’autre, répondre à des besoins spécifiques exprimés par leurs clients.
La difficulté réside dans la capacité à identifier, au sein de ces grands volumes d’informations, des profils à la fois compétents sur le plan technique et alignés sur des critères plus subtils, comme les soft skills ou les contraintes géographiques. Là où les méthodes traditionnelles de recherche par mots-clés montrent leurs limites, l’IA apporte une approche plus fine du recrutement.
Vectorisation et scoring : l’IA au service du matching intelligent
La capacité à mobiliser des collaborateurs disponibles sur des missions facturables est un facteur de compétitivité pour une ESN. Il est donc primordial de trouver rapidement des candidats qualifiés.
Deux concepts clés permettent à l’IA de révolutionner la mise en correspondance entre compétences recherchées et candidats disponibles : la vectorisation et le scoring.
- La technique de vectorisation consiste à transformer des données textuelles (CV, fiches de poste, compétences) en représentations mathématiques sous forme de vecteurs. Chaque mot ou expression est interprété dans un espace multidimensionnel, permettant à l’algorithme de mesurer la proximité sémantique entre les besoins exprimés et les profils, au-delà du simple mot-clé. Par exemple, un profil mentionnant « développement full-stack en JavaScript et React » sera identifié même si le besoin exprimé est « expert en développement front-end » ou « spécialiste des frameworks JavaScript.
- Le scoring vient compléter ce processus en attribuant un score de pertinence aux profils identifiés. Plus le score est élevé, plus le candidat est en adéquation avec les critères recherchés. Le scoring ne se base pas uniquement sur des mots-clés ou des compétences listées : il prend également en compte des critères de contextualisation, comme la proximité géographique ou l’adéquation des expériences passées avec des besoins similaires (machine learning). Il s’agit ici d’algorithmes entraînés sur plusieurs années de positionnement candidats afin de créer une pondération exacte entre plusieurs critères.
En automatisant l’identification des profils les plus pertinents, les recruteurs réduisent le temps consacré à la présélection, accélèrent le cycle de recrutement et améliorent le taux de placement. De plus, la capacité de l’IA à qualifier des fiches candidates ou des descriptions de mission, même en présence d’informations incomplètes, réduit les erreurs de sélection.
IA et éthique : un équilibre à préserver
Si les bénéfices sont nombreux, l’usage de l’IA dans le recrutement soulève également des questions éthiques. Le risque de biais algorithmiques est réel : une mauvaise qualification initiale des données (comme des critères trop restrictifs ou subjectifs) peut entraîner l’exclusion injustifiée de certains profils.
Les outils de matching les plus avancés intègrent aujourd’hui des garde-fous : transparence sur les critères de sélection, justification des choix de l’IA et validation humaine systématique avant toute décision finale. L’objectif ? Renforcer la confiance des recruteurs et des candidats dans le processus tout en respectant les réglementations, comme le RGPD ou l’AI Act.
Il est donc indispensable de s’appuyer sur des pratiques rigoureuses pour assurer à la fois la fiabilité des résultats et une utilisation éthique de l’IA dans le recrutement, savoir :
- S’assurer d’avoir à disposition une base de données riche et spécialisée. Pour que l’IA puisse trouver des correspondances précises, il est impératif de s’appuyer sur une base de données bien qualifiée et idéalement spécialisée dans le secteur ciblé, comme celui des ESN qui est bien différent par exemple de celui des bureaux d’études. La richesse et la diversité des données permettent d’améliorer la granularité du matching et de réduire les erreurs de sélection.
- Le choix d’outils conforme au RGPD et très prochainement à l’AI Act. Il faut pour cela sélectionner des solutions IA respectant les normes de protection des données et les règlements en vigueur. Un modèle conforme garantit que les données des clients ne sont pas utilisées pour entraîner l’algorithme sans consentement explicite, assurant ainsi un processus agnostique et sécurisé.
De plus en plus de précision à venir
Si l’IA permet déjà d’optimiser le matching actuel, les évolutions à venir promettent encore plus de précision dans la gestion des talents. Demain, les algorithmes apprendront des succès des recrutements passés et permettront même d’automatiser des préqualifications de fiches de poste. Parmi les évolutions envisagées, les systèmes de matching basés sur l’IA pourraient intégrer des fonctionnalités avancées, telles que la synthèse automatisée des entretiens (en physique ou en visioconférence), offrant un compte-rendu structuré des échanges pour déterminer si un candidat correspond non seulement aux compétences techniques recherchées mais aussi aux valeurs de l’entreprise. De plus, l’IA pourrait à terme assister les managers dans la gestion du cycle de vie des collaborateurs, notamment en facilitant la réalisation d’entretiens annuels à travers des synthèses automatiques des actions et performances de l’année écoulée. Il sera également possible d’analyser les signaux précurseurs de départ des collaborateurs (baisse d’engagement, changements de comportement, etc.) permettant ainsi d’anticiper et prévenir le “churn” des ressources clés. Par ailleurs, grâce à l’analyse des tendances du marché, l’IA serait capable de recommander proactivement les compétences à développer chez les collaborateurs pour répondre aux besoins émergents des clients, assurant ainsi une meilleure adéquation entre l’offre et la demande.
Tanguy Lambert
Tanguy Lambert, est le cofondateur et CTO de BoondManager, le leader européen des logiciels de gestion pour les sociétés de conseil et les ESN. Créé en 2009 avec ses frères Anthony et Loïc, BoondManager, solution ERP SaaS intuitive, accompagne 1 800 clients et 80 000 utilisateurs. En 2024, l’entreprise a levé 32 millions d’euros pour accélérer sa croissance et son développement international.