Pourquoi la directive européenne sur la transparence des salaires va faire mal chez les ESN
Pourquoi une telle directive ?
La directive européenne sur la transparence des salaires a été adoptée afin d’atteindre 4 objectifs :
- Réduire l’écart de rémunération hommes-femmes : l’écart moyen est de 13%, pour des postes et profils équivalents.
- Mettre fin à l’opacité salariale : ce manque de transparence freine la détection des discriminations salariales.
- Renforcer le droit des travailleurs : cette directive permet en effet de faciliter les recours juridiques pour les salariés qui souhaitent faire valoir leurs droits.
- Responsabiliser les entreprises : afin qu’elles mobilisent les efforts nécessaires pour mesurer et corriger les écarts de salaires qui ne seraient pas justifiés.
Que doivent faire les ESN pour appliquer cette directive européenne sur la transparence des salaires ?
Transparence à l’embauche
👉 Qui est concerné ? Tout le monde.
Les ESN auront l’obligation de fournir avant ou pendant l’entretien le salaire de départ ou la fourchette de départ du poste. En bref, pour faire simple, il faudra systématiquement ajouter cette information dès vos offres d’emploi. Notez aussi qu’il ne vous sera plus possible de demander à vos candidats leur salaire lors de leurs précédents postes.
Droit des salarié.es à l’information
👉 Qui est concerné ? Tout le monde.
Les collaborateurs pourront connaitre le salaire moyen pour leur catégorie de poste. Les ESN devront fournir ces informations rapidement et de manière compréhensible. Stop à l’esbroufe !
Obligations de rapport sur les écarts de rémunération
👉 Qui est concerné ? Dans un premier temps (2026) uniquement les sociétés de plus de 250 salariés.
Les ESN devront calculer et publier les écarts de rémunération entre les hommes et les femmes, ainsi qu’une série d’indicateurs détaillés (écarts de bonus, répartition des hommes et des femmes dans la grille des salaires..).
Les ESN sont-elles prêtes pour la transparence des salaires ?
Dans le cadre de notre étude “Baromètre Recrutement” menée cette année, à laquelle plus de 100 ESN ont pris part, les retours sont mitigés.
- 12% des répondants déclarent être prêts pour cette directive.
- 11,7% des répondants déclarent avoir commencé à se préparer mais qu’il reste du travail à faire.
- Et 38,4% des répondants déclarent n’avoir rien préparé !
Elles sont toutefois 35,1% à confirmer qu’elles publient déjà systématiquement des fourchettes salariales dans leurs offres d’emploi. Hélas, cette action est loin d’être suffisante pour appliquer cette directive européenne sur la transparence des salaires.
Pourquoi la transparence salariale est-elle redoutée par les ESN ?
Dans notre étude, nous avons interrogé les acteurs du secteur sur le principal défi que représente cette directive :
- 34% déclarent que c’est le risque de comparaison et tensions internes.
- 25,5% déclarent que c’est la complexité d’adapter les grilles salariales existantes pour garantir l’équité.
- 12,8% déclarent que c’est la communication interne et externe des pratiques salariales.
Les entreprises qui redoutent cette directive sont souvent celles qui n’ont jamais développé de politique salariale. Celle-ci repose sur trois fondements.
L’équité
La politique salariale doit garantir une équité interne (cohérence entre les salaires des salarié·es à poste et compétences équivalents) et une équité externe (alignement avec les pratiques du marché).
Cela suppose :
- Une classification claire des postes,
- Des grilles salariales transparentes,
- Et une attention constante aux écarts injustifiés, notamment de genre.
La performance
La rémunération est aussi un levier de reconnaissance et de motivation. La politique salariale doit donc permettre :
- De récompenser les contributions individuelles ou collectives,
- De soutenir les objectifs stratégiques de l’entreprise (qualité, innovation, croissance…),
- Et de différencier les parcours selon les performances ou les compétences.
Cela passe par une combinaison de rémunération fixe, de variable, de primes, ou encore de dispositifs d’intéressement ou de participation.
La lisibilité et la transparence
Une bonne politique salariale est formalisée, communiquée, et compréhensible :
- Elle doit être explicable à chaque manager et chaque salarié·e,
- Et s’inscrire dans une démarche RH claire, cohérente avec la culture de l’entreprise.
On observe souvent des ESN qui ont une très bonne politique salariale mais qui ne savent pas communiquer dessus.
Par exemple, une entreprise a l’obligation de financer une mutuelle pour ses collaborateurs ; mais elles peuvent aussi bien choisir une mauvaise mutuelle (peu couteuse) qu’une excellente mutuelle (adaptée aux attentes des collaborateurs). Toutefois, du point de vue des collaborateurs, si aucune communication claire et transparente n’est faite dessus, ils continueront de la percevoir comme un avantage obligatoire, et non comme un avantage différenciant.
Autre exemple sur les primes d’ancienneté : du point de vue d’un collaborateur fraichement arrivé, il peut trouver injuste qu’un collègue touche une prime d’ancienneté alors qu’il réalise exactement le même travail que lui. Pourquoi vouloir valoriser l’ancienneté ? Dans ce cas, votre politique salariale doit clairement expliquer pourquoi un collaborateur fidèle est une vraie richesse pour une entreprise, et pourquoi celle-ci a tout intérêt à la retenir.
En bref, en France, nous n’aimons pas parler d’argent, et nous manquons par conséquent cruellement de culture financière, c’est le rôle de vos RH d’éduquer les collaborateurs sur ces sujets.